jeudi 15 juillet 2010

Sourire à l'inconnu

Comme tout bon travailleur autonome dont le bureau est à la maison, je me dois de sortir sur une base quotidienne afin d’aérer mes neurones et me faire aller les jambes, qui me remercient d’ailleurs pour cet exercice bienfaisant.

À chaque jour, j’emprunte le même chemin. En sortant de chez moi, dans le quartier Pointe-Sainte-Foy à Québec, je continue sur notre rue qui surplombe la falaise et d’où l’on voit la ville de l’Ancienne-Lorette, hôtesse permanente de ces passagers arrivant de partout à bord des grands oiseaux de métal.

Ce jour-là par contre, je décidai d’aller marcher sur la plage Jacques-Cartier, magnifique promenade de 1,5 km située à quelques minutes à peine en voiture de mon domicile. Le point de départ est à la marina de Cap-Rouge, aménagée dans une baie du fleuve Saint-Laurent, là où voiliers et goélands se laissent bercer par les vagues des bateaux.

Je me promenais en solitaire et me laissait chauffer le dos par un soleil irradiant de tous ses feux en cet après-midi de printemps. Comme c’était un jour de semaine, les promeneurs se faisaient rares. Fidèle à mon habitude, je leur souriais.

Il y longtemps que je souris aux passants. Depuis le jour où j’ai pris conscience qu’un sourire peut changer la journée d’une personne (et peut-être plus), je souris. C’est gratuit, ça fait plaisir et c’est gratifiant. Quant on sourit à un inconnu, ou à une inconnue, les réactions sont diverses. La plupart des gens nous rendent notre sourire, d’autres nous regardent avec un point d’interrogation dans les yeux («Mais qu’est-ce qu’il me veut celui-là?») et d’autres encore n’ont aucune réaction du tout. La dernière catégorie regroupe les personnes qui regardent le sol.

Sur le chemin du retour, la promenade est particulièrement déserte. Je fais face au soleil. Au loin, une silhouette venant vers moi se profile, mais je ne peux la distinguer clairement à cause de l'éblouissement. Elle approche. C’est un homme. Les mains dans les poches, il a le dos voûté, comme s’il traîne un poids de 2 tonnes sur ses épaules. Ses pas sont lourds aussi, il laisse ses talons égratigner les fins cailloux de la piste. Il regarde le sol…

Il est clair que ça ne tourne pas rond dans sa vie. En pensée, je me prépare à lui faire le plus beau sourire que je n’ai jamais fait et lui lancer un regard rempli de compassion et d’espoir. «Pourvu qu’il lève les yeux».

Nous sommes à 5 mètres l’un de l’autre et nous nous croiserons dans quelques secondes. Au dernier instant, il finit par jeter un coup d’œil dans ma direction… Tout se passe si vite que je ne peux voir sa réaction, il est déjà derrière moi.

Je baisse les yeux au sol et observe mes pieds qui battent la cadence. Chaque pas me mène vers un nouveau moment de ma vie. Tout comme cet homme que je viens de croiser, je crée mon futur, un pas à la fois.

Je ne sais pas ce qui va m’arriver, mais je fais confiance à la Vie.

Je souris à l’inconnu…